Max Linder, un génie comique
Première grande vedette internationale du cinéma, Gabriel Leuvielle alias Max Linder, fils d’un vigneron du bordelais, fut l’auteur, l’interprète et le metteur en scène de centaines de films entre le début des années dix et 1925. Créant le personnage de Max, jeune homme élégant, séducteur invétéré et sportif accompli, il sut se démarquer des héros des séries comiques alors à la mode. Son détachement de dandy, son style singulier, alliant invention poétique et succession de gags, lui assure un succès constant en France, en Europe et même au-delà, puisqu’il produisit et tourna, au début des années vingt aux Etats-Unis, trois comédies à succès dont une désopilante parodie du film de Douglas Fairbanks Les Trois Mousquetaires.
La publication aux Editions Montparnasse du coffret « Le cinéma de Max Linder » permet de mettre en lumière cette personnalité marquante de l’histoire du cinéma muet. Avec son chapeau haut de forme, ses gants blancs, sa canne, ses souliers vernis, la légèreté de ses gags, Max Linder crée un personnage de son temps en accord avec les premiers feux de la Belle Epoque.
Dans le premier livre qui lui est consacré en 19661 , Charles Ford le décrit, à juste titre, comme l’un des « premiers amuseurs universels », un comédien qui a compris, dès les premières heures du XXe siècle, que le cinéma était un art totalement nouveau, ouvrant des perspectives inouïes. « Il a découvert le théâtre par le truchement des spectacles forains qui parcouraient les villages de France, raconte Maud Linder, mais il a tout de suite réalisé que ce nouveau mode d'expression allait bien au delà de la simple adaptation des numéros de Music Hall ou de Vaudeville. Il a su laisser de côté les formes désuètes du théâtre de l'époque, il a joué des nouvelles libertés qu'offrait le cinéma et j'ai vraiment le sentiment qu'il s'est « éclaté » en découvrant cette forme d'expression. »
Dans ses films, Max Linder, incorrigible séducteur et… gaffeur souvent intentionnel, montre mille talents : il séduit les femmes, accomplit des cascades époustouflantes, excelle dans tous les sports, prend tous les risques tout en explosant – avec élégance - les codes de la bienséance, au rythme de ses gags.
Max Linder, c’est un appel à la poésie, un grain de folie. Ce dandy qui avait « l’âme d’un gavroche et la silhouette d’un prince » (Louis Delluc) a révolutionné le cinéma burlesque des années 1910, par son jeu et ses inventions et inspiré tous les grands comiques, de Charlie Chaplin à Jacques Tati et Pierre Etaix. Une célèbre photographie de 1919 montrant Charlot et Max Linder cote à cote, atteste via la dédicace, l’admiration de Chaplin pour Max Linder : « A Max, le seul et l'unique. Au professeur de la part de son élève, Charlie Chaplin » Après une carrière fulgurante et un succès planétaire, sa fin tragique - il se suicide avec sa jeune épouse 16 mois après la naissance de leur fille - et la disparition d’une grande partie de ses films, Max Linder faillit tomber complètement dans l’oubli. Sur les cinq cents films qu'il a tournés, seuls une centaine subsistent aujourd'hui, en grande partie grâce à sa fille Maud Linder qui a inlassablement cherché à retrouver, préserver et faire connaître l’œuvre de son père. Elle lui a consacré deux documentaires, En compagnie de Max Linder et L’Homme au chapeau de soie - deux films hommages d’une fille à son père – qui montrent de larges extraits de l’œuvre de Max Linder et un subtil montage des trois chefs-d’oeuvre américains de Max : Soyez ma femme, Sept ans de malheur et L’Étroit mousquetaire (1921-1922).
« Il y a dans tout son être une telle fraîcheur que je suis incapable de me souvenir s’il est le premier, avant Charlie Chaplin, avant tous les autres. L’abondance d’idées, la mise en scène, le rythme, la performance, le jeu exprimé avec une extraordinaire économie de moyens, tout contribue à le rendre présent. Il est mieux que moderne, il est permanent » (Pierre Etaix)
Sources :
www.louvre.fr/cycles/en-compagnie-de-max-linder
Pour en savoir plus :
www.institut-max-linder.com/index.html
www.dvdclassik.com/article/le-cinema-de-max-linder
Charles Ford, « Max Linder », éditions Seghers, coll. Cinéma d'aujourd'hui