Harold Lloyd (1893-1971)
Harold Lloyd essaye plusieurs métiers avant de découvrir le métier d’acteur. De 1907 à 1912, il joue toutes sortes de rôles dans différentes troupes de théâtre (Burwood Stock Company, tournées Morosco…) et fait ensuite de la figuration au cinéma. Comme le souligne Roland Lacourbe, «dans la prestigieuse lignée des grands amuseurs publics, Harold Lloyd tient une place à part. Keaton, comme Chaplin, contracta avec le cinéma un mariage d’amour. Lloyd, lui, fit un mariage de raison. Raison dictée par l’instinct, l’intelligence et l’ambition. Il fut possédé, dès son plus jeune âge, par la volonté de réussir. Et le cinéma lui offrit cette possibilité à l’instant le plus propice. Cela ne l’empêcha nullement, l’expérience et le travail aidant, d’être l’acteur comique le plus populaire de son temps » [1]
C’est chez Universal qu’il rencontre Hal Roach, alors petit figurant comme lui mais futur producteur et directeur des Studios qui produisent les films de Harry Pollard, Charley Chase, Stan Laurel et des gamins de la série « Our Gang » très populaire aux USA au milieu des années 20. Hal Roach, le premier à imaginer Harold Lloyd en acteur comique, réalisera ainsi bon nombre de ses films jusqu’en 1920. Après un bref passage à la Keystone de Mack Sennett, Harold Lloyd crée le personnage de Lonesome Luke et sa panoplie qui le rend populaire : soulier éculé, chemise à rayure, jaquette de dame, gilet laissant voir la chemise, pantalon trop étroit et trop court, un chapeau sans bord et deux touffes de moustache…
Lonesome Luke devient un des personnages les plus caractéristiques de la maison Pathé et apporte une grande notoriété à Harold Lloyd. Ce succès lui donne la liberté de créer un nouveau personnage : « l’homme aux lunettes d’écaille » connu en France sous le nom de « Lui ». Harold Lloyd a son nom au générique et arbore l’apparence définitive de son personnage : costume bien taillé sans caractéristique particulière, un canotier, une canne parfois et une paire de lunette d’écaille, sa marque de fabrique. Ce nouveau personnage connaît un succès immédiat. Ce héros astucieux, élégant, charmeur et bondissant triomphe des obstacles grâce à son audace et sa ténacité. Il représente la philosophie d’Harold Lloyd : chacun de nous possède au fond de lui-même l’énergie et les atouts qui permettent de vaincre.
Au début des années 20, Lloyd rencontre, aux Studios Hal Roach, Fred Newmayer et Sam Taylor qui deviennent les réalisateurs de ses films jusqu’en 1925. Avec l'évolution des techniques de réalisation et l'allongement des durées de films, l’improvisation devient l’exception : les séquences sont soigneusement préparées avant le tournage ; les décors construits avec un souci constant de réalisme ; les péripéties imaginées avec vraisemblance.
Marin malgré lui (1921), premier grand long métrage, longtemps demeuré le film le plus célèbre de Lloyd, marque le début de la période faste de Lloyd. Viendront ensuite ses plus grandes réussites Faut pas s'en faire (1923), Vive le sport ! (1925) et surtout Monte là-dessus (1923) qui contient l’une des séquences les plus angoissantes et célèbres du monde : la scène où le héros est suspendu aux aiguilles de l'horloge d'une façade d'immeuble. Harold Lloyd devient alors le roi de la comédie américaine.
Parfois producteur, co-scénariste et co-réalisateur de ses films, Harold Lloyd fonde sa propre maison de production la « Harold Lloyd Corporation ». Depuis 1927, le fameux boulevard des célébrités à Hollywood conserve l’empreinte de ses mains, de ses pieds et de ses lunettes. Il participe en 1928 à la fondation de l'Academy of Motion Picture Arts and Science, académie à l'origine de la cérémonie des Oscars.
Harold Lloyd tourne en 1929 Quel phénomène, son premier film sonore qui obtient un succès mitigé et marque le début de son déclin artistique dû à sa difficulté et à celle de ses scénaristes à adapter leur style au film parlant. Les films suivants seront des échecs. Harold Lloyd se retire du devant de la scène à 45 ans, fortune faite car en il n’a jamais négligé l’aspect économique de son activité. Il possédait notamment la majorité des droits sur ses films et a entretenu sa notoriété en réalisant deux compilations de ses films dont World of comedy en 1962.
Il fait un come-back de courte durée en 1947 grâce à Preston Sturges qui le fait tourner dans Oh ! Quel mercredi.
Sa plus grande singularité aura sans doute été de vouloir incarner monsieur tout-le-monde : « Il incarna le petit employé à lunettes (et chapeau de paille), personnage proche de millions de citoyens américains. Sa bonne humeur, son allant, son dynamisme cafouilleur mais toujours récompensé étaient une projection de l’optimisme yankee, avec juste ce qu’il fallait de caricature pour amuser tout en évitant soigneusement las dangers de la satire. A une époque de tension économique - pré crise de 1929 - il apportait la détente d’un comique essentiellement rassurant. […] Immensément populaire aux Etats-Unis, Harold Lloyd était, à la différence de Chaplin et de Keaton, un comique intégré au jeu social. Son personnage de jeune homme romantique et bosseur, plutôt équilibré, renvoyait au public un rêve de réussite, professionnelle et affective… Faire rire du bonheur et de la normalité. » [2]
[1] Roland Lacourbe, Anthologie du cinéma n° 102
[2] Dossier documentaire sur Vive le sport réalisé par l’espace Histoire-Image de la médiathèque de Pessac http://cinemadeleognan.files.wordpress.com/2009/01/fichevivelesport.pdf